CANNABIS EN FRANCE (3/4): une histoire oubliée

Publié le par L'hermaphrodite radical

             Lors de l'élaboration du précédent article (Cannabis en France (2/4): Une dangerosité controversée ) j'arrivais à la conclusion qu'il ne fallait justement pas faire de conclusion attive quant à la dangerosité du cannabis. Sans faire de raccourci et à partir des différentes recherches que j'ai mené, il semble difficile de démontrer qu'il existe une différence flagrante entre les effets de cette plante et les effets de l'alcool, à long terme comme à court terme. Que l'on voit le verre à moitié vide ou à moitié, le cannabis est certes mauvais pour la santé, mais pas beaucoup plus qu'un certain nombre de chose que l'on "consomme" volontairement et involontairement.  Ainsi et toujours à travers cette volonté de faire la lumière sur un sujet tabou et méconnu par la plupart d'entre nous, cette article se concentrera sur les raisons d'une telle peur du cannabis. Après un rapide retour sur la plante en elle-même, je ferai une sorte de petit histoire du cannabis en occident et plus particulièrement en France.

 

On le nomme Cannabis....

...alors que nous devrions l'appeler en bon français le chanvre. Le cannabis (en latin) est en réalité une espèce de plante de la famille des Cannabaceae. Le cannabis se divise en quatre grandes sous-espèces: la Sativa, l'Indica, la Spontanea et la Kafiristanica.Quatre sous-espèce donc qui possèdent chacune deux attributs principaux. Le premier, celui qui a contribué à la popularité de Bob Marley et qui provoque des dizaines d'arrestations en France chaque jour correspond à ses propriétés pyschotropes [Si ce dernier mot possède une connotation négative, il est inutile de signaler que la France est le plus gros consommateur de pyschotropes au monde non pas à cause du cannabis mais grace aux antidépresseurs que l'on distribue chez nous comme des petits pains...] Le second attribut beaucoup moins connu que le précédent et pourtant appréciable par tous puisque le chanvre peut à la fois servir à faire des tissus, des cosmétiques, de l'isolation phonique et thermique, du cordage, du biocarburant et mille autres choses. chanvre-champs.jpg La mollécule THC (tétrahydrocannabinol) est responsable du caractère psychotrope de la plante et se trouve essentiellement chez les plantes femelles (ah les femmes...). Il n'est d'ailleurs pas rare d'entendre que les plantes mâles s'appelent le chanvre et ne contiennent pas de THC tandis que les femelles sont "du vrai cannabis" puisqu'elles sont remplies de THC. Le raccourci est bien là mais l'idée reste la bonne.  Le cannabis ou chanvre n'est en tous cas pas uniquement une drogue pour toxicos comme la machine-à-a-priori-médiatique voudrait nous le faire avaler (ou fumer), c'est également une plante ayant une histoire voir, une plante ayant fait l'histoire...

 

 

 

 

 

 

Hissez les voiles!

XVII et XVIIIème siècle, les puissances européennes se disputent la suprématie navale. Loin des bateaux motorisés modernes, c'est à la force du vent que l'on navigue pour se faire la guerre. Trônant sur le mât des navires, de giganteques voiles s'accaparent les brises pour glisser sur les flots. Des voiles fines et robustes, lègères et solides, des voiles resistants aux tempêtes et aux attaques des pirates. Des voiles en chanvre. L'enjeux capital que représentait à l'époque les guerres navales dépendaient en partie de l'approvisionnement en chanvre puisque c'était lui qui faisait avancer la plupart des bateaux.

Au XIXème l'usage du cannabis va radicalement changer en parallèle aux progrès de la médecine. Dès le milieu du siècle on ne peut plus mettre un pied dans une pharmacie sans que celle-ci soit fournie en petites fioles servant à soulager plusieurs types de douleurs. L'utilisatrice la plus célèbre n'est autre que la reine Victoria souffrant de menstruations particulièrement désagréables. A la fin des années 1800, l'aspirine va voler la vedette au cannabis dans les pharmacies étant plus efficace sur la douleur et ne provoquant pas d'effets sur les comportements. Des transformations comportementales qui interesseront une partie de la médecine de l'époque notamment dans le traitement de l'aliénation mentale.balzac.jpg Au vu des quelques recherches que j'ai effectué rien ne me permet d'affirmer qu'il y est eu une quelconque efficacité avéré. En revanche, la frange de médecins interéssés par cette drogue créera le Club des Haschichins, lieu extrêmement branché dans le Paris du XIXème où viendront se "détendre" quelques noms célèbres comme Théophile Gauthier, Charles Baudelaire, Alexandre Dumas ou encore Honoré de Balzac.

On se demande alors comment le cannabis est passé d'une substance en vogue à un fléau social en un peu plus d'un demi-siècle. Comme souvent, un coup d'oeil de l'autre côté de l'Atlantique offre des éléments d'explications sur ce qui est difficilement explicable chez nous.

 

"Born in the USA"

Le krach de 1929 provoque une escaladade rapide du chômage aux Etats-Unis. En 1933 presqu'un quart de la population active est dans cette situation. Devant ce type de phénomène, trouver un bouc émissaire est le meilleur moyen d'orienter son mécontentement et quelque part de se soulager. Une main d'oeuvre peu coûteuse, un langage différente, une augmentation de l'immigration: les mexicains sont les coupables parfaits. Manque de bol, cette population a tendance a plutôt bien s'intégrer et le mexicain moyen n'est pas si indésirable que ça pour l'américain moyen. Il faudrait lui associer un désagrément, quelque chose qui devient insurmontable sitôt qu'on en a entendu parler, comme le bruit d'un moustique dans sa chambre en plein mois d'août. Interdire les sombreros? Certes un sale coup pour les mexicains mais les arguments restent limités... Et pourquoi pas le cannabis? C'est vrai ça, la plupart des champs aux USA sont détenus par des mexicains qui sont également les plus gros consommateurs du pays. De plus, le chanvre commence à faire concurrence au nylon étant de qualité équivalente et coûtant bien moins cher: cela suffit,  donnons-nous des raisons de foutre ces mexicains dehors!

S'en suit une campagne digne des plus grands studios hollywoodiens orchestré par Harry J. Anslinger ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Harry_J._Anslinger ), politicien et journaliste plus connu sous le nom de "McCarthy de la drogue".

 


  Associé à l'euphorie qu'a produit l'arrivée du cinéma pour le grand public, je vous laisse imaginer l'efficacité de ce type de propagande. Ajoutez à cela des slogans tel que "le cannabis pousse au meutre et au suicide" puis plus tard pendant la guerre froide (mon préféré) "Le cannabis rend communiste".
M.M.

 

Publié dans Polémiques

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